TRIBUNAL CANTONAL

 

 

 

 

291

 

PE12.009411-STO

 

 

 

COUR D’APPEL PENALE

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Audience du 15 septembre 2016

 

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Composition :               M.              SAUTEREL, président

                            MM.              Pellet et Stoudmann, juges

Greffier              :              M.              Graa

 

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Parties à la présente cause :

A.H.________, prévenue, représentée par Me Joëlle Druey, défenseur d’office à Lausanne, appelante,

 

N.________, prévenu, représenté par Me Amandine Torrent, défenseur d’office à Lausanne, appelant,

 

et

 

Ministère public, représenté par le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois, intimé,

 

B.H.________, partie plaignante, représentée par son tuteur, Q.________, et assistée de Me Nicolas Rouiller, conseil d’office, intimée.


              La Cour d’appel pénale considère :

 

 

              En fait :

 

 

A.              Par jugement du 6 avril 2016, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré N.________ et A.H.________ du chef de prévention de lésions corporelles simples qualifiées (I), a constaté qu’ils se sont rendus coupables de violation du devoir d’assistance et d’éducation (II), les a condamnés à la peine de 20 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (III), a suspendu l’exécution de la peine et a imparti à N.________ et A.H.________ un délai d’épreuve de deux ans (IV), a dit qu’ils doivent solidairement à B.H.________ un montant de 500 fr. à titre de réparation du tort moral (V), a fixé les indemnités dues aux défenseurs et conseil d’office (VI à IX), a mis les frais de la cause par 9'392 fr. 40 à la charge de A.H.________ et par 9'037 fr. 80 à la charge de N.________, y compris les indemnités allouées à leur défenseur d’office respectif, ainsi que – chacun pour moitié – l’indemnité allouée au conseil d’office de B.H.________ (X) et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités fixées aux chiffres VI à IX ne pourra être exigé de N.________ et A.H.________ que si et dans la mesure où leur situation financière s’améliorait (XI).

 

 

B.              Par annonce du 11 avril 2016, puis déclaration motivée du 9 mai 2016, A.H.________ a formé appel contre ce jugement et conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à son plein acquittement, à la suppression des chiffres III à V du dispositif, les frais de la cause étant laissés à la charge de l’Etat, subsidiairement à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouveau jugement.

 

              Par annonce du 12 avril 2016, puis déclaration motivée du 6 mai 2016, N.________ a formé appel contre ce jugement et conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement, à la suppression des chiffres III à V du dispositif, les frais de la cause étant laissés à la charge de l’Etat, subsidiairement à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouveau jugement.

 

 

C.              Les faits retenus sont les suivants :

 

1.

1.1              N.________ est né le [...] à [...]. Il est le dernier d’une fratrie de quatre enfants. Il a suivi une scolarité en voie terminale à option avant de réussir une dixième année pour rejoindre la voie supérieure. Il a ensuite entamé un apprentissage d’employé de commerce mais l’a interrompu après six mois. Durant l’année suivante, il est resté sans activité. N.________ a ensuite fréquenté la « school audio-engineer » durant six mois et est devenu assistant de production. En 2002, il s’est lancé, à son compte, dans un concept de café-concert, ce qui l’a occupé pendant une année. En 2006, il a entrepris une formation dans la vente à Lausanne durant trois mois, a essayé de trouver un emploi les six mois suivants, puis a œuvré comme jardinier-paysagiste durant 11 mois. Il a arrêté ce travail afin de trouver une activité mieux rémunérée et s’est lancé comme indépendant dans la télécommunication, sans succès. En 2007, N.________ a travaillé comme conseiller à la clientèle chez [...] pendant un an et demi, avant de se faire licencier. Au terme d’une période de chômage, il a bénéficié du revenu d’insertion et d’un programme d’occupation.

 

              Il est actuellement au bénéfice du revenu d’insertion, ce qui représente un montant mensuel de 1'100 fr., et a entamé des démarches pour l’obtention de prestations de l’assurance-invalidité. Souffrant de problèmes dépressifs, il vit seul dans un appartement payé par l’assistance sociale. Il aurait des dettes à hauteur de quelques milliers de francs, mais aucune fortune.

 

              Le casier judiciaire de N.________ ne comprend aucune inscription.

 

1.2              A.H.________ est née le [...] en [...]. Elle a été adoptée par des parents indien et marocain. Ceux-ci ont eu deux autres filles biologiques et ont en outre adopté deux garçons [...].A.H.________ est arrivée en Suisse vers l’âge de trois ans. Vers l’âge de quatre ou cinq ans, elle aurait subi des attouchements de la part d’un enfant plus âgé et a ensuite été placée en foyer afin de la protéger de son milieu familial. Dès l’âge de six ou sept ans, elle a été placée dans une famille d’accueil durant les week-ends, puis dans un foyer jusqu’à l’adolescence. Elle a alors fugué à plusieurs reprises. Durant ses fugues, longues parfois de plusieurs semaines, elle s’est prostituée pour gagner de l’argent, a commencé à boire et à se mutiler. Elle a été hospitalisée plusieurs fois en milieu psychiatrique. Entre 14 et 15 ans, le foyer dans lequel elle vivait n’a plus trouvé de place pour elle et aurait décidé de laisser A.H.________ mener sa vie. Après une tentative malheureuse d’intégration dans un foyer d’accueil pour adolescents, cette dernière a été placée sous tutelle, devenue par la suite une curatelle de portée générale. Cette mesure a été supprimée en octobre 2015, laissant la place à une curatelle de représentation avec gestion du patrimoine. Sur le plan professionnel, A.H.________ a entamé en janvier 2014 une formation dans les domaines de la restauration et du secrétariat, par le biais de l’assurance-invalidité. Elle a par la suite interrompu cette formation en raison de sa grossesse. Son enfant, prénommé [...], est né en [...]. Le père n’a pas reconnu celui-ci et ne vit pas avec A.H.________. Cette dernière perçoit un montant mensuel de 1'780 fr. à titre de revenu d’insertion. Elle vit dans un appartement payé par les services sociaux. Elle a des dettes pour environ 1'000 francs. A.H.________ est régulièrement suivie par une infirmière en psychiatrie.

 

              Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.

 

1.3              A.H.________ et N.________ se sont rencontrés à la fin de l’année 2010. La première s’étant peu après trouvée sans domicile fixe, le second lui a proposé de vivre en colocation dans son studio à [...]. Ils ont entamé une relation dont est née, le [...], l’enfant B.H.________. Cette dernière a été rapidement placée en néonatalogie, puis au foyer l’Abri à Lausanne. Un droit de visite a été fixé pour les parents à raison de deux heures bihebdomadaires. Après un élargissement progressif de leur droit de visite, les parents ont recouvré la garde de leur fille en janvier 2012. Le 11 avril 2012, N.________ a reconnu B.H.________. Le 14 mai 2012, une décision de placement à des fins d’assistance de cette enfant a été prise, et celle-ci a été envoyée dans un environnement sécurisé, puis dans une famille d’accueil où elle séjourne toujours actuellement.

 

              A l’heure actuelle, N.________ voit sa fille tous les 15 jours dans un foyer, tandis que A.H.________ voit B.H.________ toutes les deux semaines dans une structure d’accueil à Epalinges.

 

2.              B.H.________ est née dans un environnement difficile, eu égard à la santé psychique de sa mère et à l’instabilité du couple parental. Avant l’accouchement, A.H.________ avait, à plusieurs reprises, quitté le domicile de N.________ à la suite de disputes violentes, celles-ci ayant d’ailleurs pu menacer la grossesse. Dès le 4 août 2011, B.H.________ a par ailleurs été mise sous tutelle à forme de l’art. 368 CC, par décision de Justice de paix. Le Tuteur général a été désigné comme son représentant légal. Dès le départ, les conditions de vie du bébé, tant du point de vue matériel que de celui de la sécurité, ont préoccupé les services du Tuteur général. L’enfant a dès lors été placée au foyer l’Abri et A.H.________ a pu lui rendre des visites encadrées en semaine. Par la suite, un projet de placer B.H.________ et sa mère dans un foyer d’accueil mère-enfant à Yverdon-les-Bains a échoué. En l’absence d’un autre lieu, l’Office du Tuteur général (ci-après : OTG) a décidé de laisser l’enfant et sa mère vivre chez N.________. Ce placement a été subordonné à diverses conditions, dont la tenue de visites régulières, au domicile, d’une infirmière de la petite enfance, Mme W.________. Au mois de février 2012, cette dernière a fait part au Tuteur général de ses inquiétudes concernant l’enfant. Elle a notamment fait état de tensions et d’une communication difficile au sein du couple parental. Elle a en outre constaté que les parents de B.H.________ ne formaient pas un couple, A.H.________ et N.________ ayant tous deux de la peine à se contrôler. Durant la période de janvier 2012 à mi-mai 2012 où l’enfant a vécu avec ses parents, ceux-ci ont persisté à se disputer régulièrement et violemment en sa présence, en s’échangeant des coups, jusqu’à entraîner les pleurs de leur fille. Au début du mois de mai 2012, le suivi par l’infirmière a cessé, par la volonté des parents de B.H.________. A.H.________ a gardé des contacts avec une éducatrice de l’Accueil éducatif mère-enfant à Yverdon-les-Bains, celle-ci l’ayant ponctuellement accompagnée dans les sorties. N.________ a quant à lui toujours déclaré vouloir s’investir comme père pour sa fille. Néanmoins, l’OTG a relevé son attitude peu propice à la collaboration et à l’écoute, son intolérance face à des interlocuteurs, professionnels ou non, ou encore son mal-être. L’office a en outre constaté une absence de dialogue constructif avec le père et a estimé qu’il n’était pas capable d’assumer un rôle paternel dans une large mesure.

 

3.

3.1              Le 14 mai 2012, A.H.________ a signalé à l’OTG que N.________ lui avait interdit de revenir à son domicile en la menaçant violemment pour le cas où B.H.________ devait par la suite être placée. Elle a expliqué que, pour éviter des tensions toujours plus difficiles à gérer, le père et elle-même s’étaient convenus de s’occuper séparément du bébé, l’un étant présent au domicile cependant que l’autre devait demeurer à l’extérieur durant quelques jours. A.H.________ a évoqué l’agressivité prononcée de N.________ ainsi que les difficultés rencontrées par celui-ci pour supporter l’enfant. Elle a également fait état des pressions qu’il exerçait sur elle pour qu’elle finance sa consommation quotidienne de cannabis. A.H.________ a enfin rapporté sa peur pour la sécurité de B.H.________, qui était souvent en pleurs et énervée et dont N.________ ne tenait pas compte lors de ses crises de violence.

 

              Vu l’échec de la collaboration entre les parents et les intervenants sociaux, leur déni des multiples difficultés rencontrées quotidiennement, des relations violentes réciproques et avec leur entourage, concernant essentiellement les besoins fondamentaux et la sécurité de B.H.________, l’OTG a décidé de la placer en urgence. La décision de placement de l’enfant dans une famille d’accueil, du 14 mai 2012, a été motivée par les maltraitances infligées à B.H.________, notamment les violences et l’agressivité quotidiennes s’exprimant en sa présence, la consommation de cannabis régulière du père, les absences prolongées de A.H.________ contrainte de quitter le domicile pour éviter les violences et le manque d’encadrement sécurisant augmentant par ailleurs le risque de maltraitances plus graves.

 

3.2              Le lendemain du placement, le 15 mai 2012, la famille d’accueil a observé des marques inquiétantes sur le corps de l’enfant. Le 22 mai 2012, une plainte pénale pour lésions corporelles a été déposée par le Tuteur général contre A.H.________ et N.________. En annexe à cet acte figurait un rapport médical établi le 15 mai 2012 par le Dr V.________, faisant état de cheveux cassés ou coupés à moins d’un millimètre de hauteur – sur un diamètre de 2,5 centimètres – sur le cuir chevelu de B.H.________, d’une pigmentation compatible avec d’anciens hématomes sur les creux axilaires des deux côtés, ainsi que d’un trajet cutané longiligne pigmenté d’un centimètre sur la face antérieure du cou. Selon le Dr V.________, ces lésions semblaient contemporaines, de type « cicatriciel superficiel » (P. 4/2). Des photographies de ces constatations ont également été réalisées (PP. 6/1-6/6).

 

              Le 24 mai 2012, A.H.________ a porté plainte contre N.________ pour les violences domestiques subies.

 

4.

4.1              N.________ a admis avoir été seul avec sa fille la semaine précédant son placement en mai 2012, alternant la garde avec ses propres parents. Il a indiqué qu'à cette période, A.H.________ était partie pendant huit jours, sans donner de nouvelles et sans s'inquiéter de B.H.________. Il a contesté la survenance de tout événement particulier avec sa fille ainsi que de toute violence. Il a déclaré avoir vu, sur sa fille, une marque au cou et une autre au ventre, en mars ou avril 2012, et a sous-entendu que A.H.________ pouvait en être à l'origine, en disant qu'il n'avait pas confiance en elle, qu'il l'avait déjà vue saisir sa fille par la bouche et lui asséner une petite gifle au visage. Il a aussi indiqué que A.H.________ ne supportait pas quand l’enfant pleurait. Il affirme pour sa part ne jamais l'avoir frappée ou avoir perdu le contrôle face à B.H.________. A propos d’un « trou » dans les cheveux de sa fille, N.________ a expliqué qu’elle en avait toujours eu un. Il a sous-entendu que A.H.________ pouvait être à l'origine des autres marques constatées sur l’enfant. Confronté aux déclarations de A.H.________ qui le mettaient en cause, N.________ les a qualifiées d’inexactes (PV aud. 2). Par la suite, N.________ a constamment nié s’être montré violent envers sa fille.

 

              Lors de l’audience du 6 avril 2016, N.________ a expliqué que les traces et blessures constatées sur l’enfant devaient avoir été causées par A.H.________. Il a en outre déclaré : « Il y a eu des molestations physiques que j’ai pu constater. L’enfant était souvent là pendant nos disputes. Elles ont pu être violentes, jusqu’à ce que A.H.________ me casse le doigt. L’enfant était toujours au milieu. J’ai aussi assisté à des scènes où des jouets, voire tout ce qu’il y avait sous la main était jeté à l’enfant » (jgt, p. 7). N.________ a par ailleurs admis qu’il avait un « certain tempérament » et n’avait pas eu le réflexe de chercher de l'aide malgré la situation de sa fille (jgt, pp. 7-8).

 

4.2              De son côté, A.H.________ a déclaré, au cours de l’instruction, avoir constaté, vers mars ou avril 2012, des marques sur le cou et derrière l'oreille de B.H.________. Elle a indiqué en avoir parlé à N.________ mais n’avoir obtenu de celui-ci qu’une explication lui ayant semblé « bizarre ». A.H.________ a aussi expliqué ne jamais avoir remarqué de « trou » dans la chevelure de sa fille, et a nié avoir jamais frappé ou levé la main sur son enfant. Elle aurait vu en revanche N.________ taper celle-ci sur le visage avec une peluche. Elle a en outre signalé avoir l’impression que l’enfant avait peur lorsque son père s’approchait d’elle. A.H.________ a indiqué que N.________ ne montrait guère de patience à l’égard de sa fille et s’énervait facilement à son encontre. Elle aurait quant à elle eu à subir des menaces, violences et injures de sa part (PV aud. 1, ll. 75-78).

 

              Toutefois, lors de l’audience du 6 avril 2016, A.H.________ a admis qu’elle ne savait pas si N.________ était à l’origine des traces de coups constatées sur B.H.________ (jgt, p. 9). A cette occasion, elle a également indiqué : « Je ne conteste pas qu’il y ait eu des disputes devant l’enfant. On habitait dans un 25 m2 et elle n’avait pas de chambre propre. Les disputes étaient très régulières. Peut-être pas quotidiennes, mais très souvent. Les causes des disputes étaient souvent vis-à-vis de B.H.________. Il y avait de la violence physique et verbale. N.________ me frappait et je me défendais aussi par des coups » (Ibidem). A.H.________ a en outre évoqué la consommation de cannabis de N.________ en relation avec ces faits. Concernant les relations avec les différents intervenants sociaux, elle a expliqué ce qui suit : « Je ne conteste pas avoir eu des difficultés à collaborer, essentiellement depuis que j’ai vécu avec N.________. Cela venait aussi du fait que j’avais cette tutelle et que ce n’était pas facile à admettre. Sur ce point N.________ me mettait aussi la pression. Il y a eu des moments où cela a dégénéré et lorsqu’il était présent, je n’arrivais pas à raisonner et il y avait un climat de nervosité. Par exemple, il prenait souvent la parole à ma place et cela dégénérait » (jgt, p. 9 in fine).

 

              En ce qui concerne son appel à T.________, qui a conduit le 14 mai 2012 au placement de B.H.________, A.H.________ a expliqué avoir senti une telle agressivité chez N.________ au téléphone qu'elle a eu peur qu'il puisse s'en prendre à sa fille. Elle a ainsi téléphoné au collaborateur du Tuteur général. La situation était alors particulièrement tendue car A.H.________ et N.________ avaient eu une grande dispute peu avant (jgt, p. 10).

 

4.3             

 

En cours d'enquête, plusieurs proches et familiers des prévenus ont été entendus. C.H.________, père de A.H.________, a notamment déclaré ne jamais avoir vu N.________ adopter un comportement violent. Il a aussi expliqué que A.H.________ pouvait être violente, même s'il ne l'avait lui-même jamais constaté en présence de B.H.________. Il a par ailleurs admis avoir remarqué, au début de l’année 2012, une marque violacée autour du cou de sa petite-fille, mais jamais d'autres traces (PV aud. 3, ll. 66-70).

 

              R.________, mère de N.________, a pour sa part confirmé s'être occupée de B.H.________, deux ou trois jours, en mai 2012, avant que I'OTG place l'enfant. Selon elle, A.H.________ posait problème, tandis que son fils était capable de s'occuper de l'enfant. Sur B.H.________, R.________ a indiqué avoir un jour – environ un mois avant le placement par l’OTG – constaté un hématome violacé au niveau du ventre qui semblait provenir d'un coup. Elle a aussi admis avoir remarqué, à la même époque, le « trou » dans les cheveux de sa petite-fille, en pensant que cela pouvait provenir d’une contamination de la part des chats. Elle n'a pour le reste jamais vu N.________ ni A.H.________ s'en prendre à l'enfant (PV aud. 4).

 

              T.________, collaborateur de I'OTG, a quant à lui déclaré ne jamais avoir personnellement constaté de lésions sur l'enfant. Il a précisé que l'accès au foyer familial était difficile car sa venue ou celle d'autres intervenants était la source de grandes tensions. Il a notamment rapporté un épisode au cours duquel il avait téléphoné au domicile du couple pour obtenir un document. Cette demande avait occasionné un « fort conflit », au point que T.________ a entendu en arrière fond les cris de B.H.________ (PV aud. 5, ll. 68-70). Il a également indiqué qu’à une époque il était impossible d’entrer en discussion avec N.________, ce qui avait changé par la suite. Enfin, T.________ a déclaré à propos des parents de B.H.________ : « Je ne pourrai pas dire lequel des deux a violenté l’enfant. Toutefois, à l’époque, la violence à l’intérieur du couple était inouïe. Pour moi, tout est donc possible. Pour vous répondre, il y avait de la violence verbale mais également des coups réciproques y compris à des moments auxquels on ne s’y attend pas soit, par exemple, lorsque Mme A.H.________ était enceinte. Je ne peux pas vous dire exactement comment ce mécanisme de violence s’est déclenché, mais à un moment les parents de Mme A.H.________ nous ont interpellés pour que nous intervenions » (PV aud. 5, ll. 86-92). T.________ a enfin évoqué des épisodes violents, au cours desquels A.H.________ et N.________ s’en sont pris à lui ou au personnel de l’OTG. Il s’agissait alors de violences verbales et de menaces de mort. En définitive, selon lui, le couple vivait dans un « fort climat de violence » (PV aud. 5, l. 136).

 

5.              Appelé à se prononcer sur les photographies prises par le Dr V.________ lors de l’examen de B.H.________ en mai 2012, en particulier sur l’origine des lésions y figurant, le Centre universitaire romand de médecine légale a notamment indiqué : « Une ecchymose peut être la conséquence d'un coup porté avec un objet contondant, d'un heurt de la partie du corps contre un objet contondant ou d'une pression locale forte. Concernant l'hyperpigmentation à proximité du creux axillaire gauche, compatible avec une ecchymose, au vu de son emplacement et du jeune âge de l'enfant, l'origine la plus probable serait due à l'intervention d'un tiers. On peut retrouver typiquement ce genre de lésion, lorsque par exemple on tient trop fort un enfant sous les aisselles » (P. 20, R. 2).

 

              Dans le cadre d’une enquête en limitation de l’autorité parentale sur B.H.________, l’Unité de pédopsychiatrie légale du CHUV a procédé, sur mandat de la Justice de paix, à une anamnèse de cette enfant et en a rapporté les conclusions dans un rapport daté du 19 février 2013. Les observations de la mère d’accueil de B.H.________ y ont été incluses. Celles-ci révélaient que, lorsqu’elle est arrivée dans sa famille d’accueil le 14 mai 2012, cette enfant a refusé de s’alimenter et pleurait beaucoup. Une fois couchée, elle s’est placée dans son lit en position fœtale. A cette époque, B.H.________ ne tenait pas assise, se cambrait lors du change et fuyait le contact oculaire en bougeant la tête dans tous les sens (P. 24, p. 17).

 

              En droit :

 

 

1.              Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]), les appels sont recevables.

 

2.              Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).

 

              L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).

 

3.

3.1              L’appelante A.H.________ invoque une violation de l'art. 219 CP, ainsi que l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation de même que la constatation erronée des faits au sens de l’art. 398 al. 3 CPP.

 

              Elle admet que B.H.________ a été exposée aux disputes violentes et très régulières du couple parental, mais conteste que de tels faits puissent fonder une violation du devoir d’assistance et d’éducation. Elle soutient par ailleurs que le tribunal de première instance a faussement retenu la présence, sur l’enfant, de lésions infligées par un tiers, avant d’attribuer de manière incohérente la responsabilité desdites lésions aux deux parents. De surcroît, l’appelante reproche au premier juge d’avoir retenu qu’elle n’avait pas collaboré avec les intervenants sociaux. Enfin, A.H.________ estime qu’aucun élément ne permet d’affirmer que sa fille aurait couru un danger relatif à son développement physique ou psychique.

 

              L’appelant N.________ se plaint lui aussi d’une constatation erronée des faits par le Tribunal de police ainsi que d’une violation de l’art. 219 CP, dont les éléments objectifs ne seraient pas réalisés. Il invoque des griefs pour partie semblables à ceux développés par sa coappelante, et conteste en outre que B.H.________ ait été exposée à des disputes violentes et quotidiennes du couple parental.

 

3.2              Selon l’art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d’assister ou d’élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). S’il a agi par négligence, la peine pourra être une amende au lieu d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire (al. 2).

 

              Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, soit d’une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 consid. 1b ; ATF 125 IV 64 consid. 1a).

 

              Pour que l’art. 219 CP soit applicable, il faut d’abord que l’auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d’assistance, c’est-à-dire d’assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Ce devoir et, partant, la position de garant de l’auteur peut résulter de la loi, d’une décision de l’autorité ou d’un contrat, voire d’une situation de fait. Revêtent notamment une position de garant les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d’école, etc. (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

 

              Il faut ensuite que l’auteur ait violé son devoir d’assistance ou d’éducation ou qu’il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou une omission. Dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant ; dans le second cas, l'auteur manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

 

              Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d’assistance ou d’éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L’infraction réprimée par l’art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n’est donc pas nécessaire que le comportement de l’auteur aboutisse à un résultat, c’est-à-dire à une atteinte au développement physique ou psychique du mineur, la simple possibilité d’une atteinte ne suffisant cependant pas. Il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (TF 6B_993/2008 du 20 mars 2009 consid. 2.1 ; TF 6B_252/2008 du 23 juin 2008 consid. 4.1 ; ATF 126 IV 136 c. 1b).

 

              Enfin, la réalisation de l’infraction suppose l’existence d’un lien de causalité entre la violation du devoir d’assistance ou d’éducation et la mise en danger du développement physique ou psychique du mineur (Dupuis et al. [éd.], Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 3 ad art. 219 CP).

 

              En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l’art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Il ne faut à cet égard pas oublier l'existence des art. 123 ch. 2 al. 2 et 126 al. 2 CP qui prévoient une protection particulière pour l'enfant sur lequel sont commises des lésions corporelles simples ou des voies de fait. L'art. 219 CP ne devra donc pas être retenu dans tous les cas d'atteinte à l'intégrité corporelle, à la liberté ou à l'intégrité sexuelle. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir (TF 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1.2 ; TF 6B_539/2010 du 30 mai 2011 consid. 4.2).

 

              Du point de vue subjectif, l’auteur peut avoir agi intentionnellement, auquel cas le dol éventuel suffit (ATF 125 IV 64 consid. 1a), ou par négligence (art. 219 al. 2 CP). Dans cette dernière hypothèse, le juge a la faculté, mais non l’obligation, de prononcer une amende au lieu d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire. Pour déterminer laquelle de ces sanctions doit être prononcée, la gravité de la faute commise est le critère essentiel à prendre en considération (ATF 125 IV 64 consid. 2).

 

4.

4.1              Le tribunal de première instance a retenu que A.H.________ et N.________ s’étaient rendus coupables de violation du devoir d’assistance et d’éducation en raison de leur refus de collaborer avec les intervenants sociaux, d’une part, eu égard aux maltraitances physiques infligées à B.H.________, d’autre part. Enfin, le tribunal a retenu que cette enfant avait été régulièrement exposée aux fortes disputes de ses parents, empruntes de violence tant verbale que physique.

 

              Il a en revanche libéré les deux appelants de l’accusation de lésions corporelles simples qualifiées, en dépit des traces de lésions constatées sur le corps de B.H.________, estimant qu’il était impossible, sur la base du dossier et des déclarations contradictoires de A.H.________ et N.________, d’attribuer celles-ci à l’un des parents plutôt qu’à l’autre, ou encore aux deux.

 

4.2              L’appelante A.H.________ conteste tout d’abord avoir refusé de collaborer avec les intervenants sociaux.

 

              Il ressort pourtant du dossier que les deux parents de B.H.________ ont causé de fréquentes difficultés, notamment en s’en prenant au personnel de l’OTG. Concernant ces accès de violence, l’appelante n’était pas en reste, le témoin T.________ ayant même précisé : « Ce n’était pas que N.________ mais également A.H.________. Ils s’en prenaient énormément au personnel et à moi-même » (PV aud. 5, ll. 118 s.).

 

              Cependant, aucun élément dans la présente cause n’appuie l’existence d’un lien de causalité entre le refus de collaborer avec les autorités spécialisées dans la protection de l’enfance et une mise en danger concrète de B.H.________. Il ne ressort en effet pas de l’instruction que les difficultés causées par les appelants dans leurs rapports avec les divers intervenants sociaux, notamment les esclandres dans les locaux de l’OTG, les absences de N.________ aux rendez-vous appointés ou le refus des aides proposées, auraient directement menacé le développement physique ou psychique de l’enfant. C’est donc à tort que le tribunal de première instance a retenu que le défaut de collaboration constaté chez les appelants était constitutif d’une infraction à l’art. 219 CP.

 

4.3              Les appelants relèvent également avec raison que le Tribunal de police les a libérés de l’accusation de lésions corporelles simples qualifiées, en admettant qu’il était impossible de déterminer dans quelles circonstances, à quelle époque et par qui les lésions constatées sur le corps de B.H.________ avaient été causées (jgt, p. 27), tout en estimant par ailleurs que lesdites lésions étaient le fruit du comportement inadéquat de l’un ou l’autre des parents, voire des deux (jgt, p. 31). En effet, les motifs qui ont poussé le premier juge à mettre A.H.________ et N.________ au bénéfice du doute s’agissant de l’origine et de la nature des lésions infligées à leur fille devaient semblablement le conduire à écarter ces éléments concernant l’infraction de violation du devoir d’assistance et d’éducation.

 

              Ainsi, vu l’absence de preuves permettant d’attribuer les lésions corporelles présentées par B.H.________ à l’un ou l’autre de ses parents, d’éventuelles maltraitances physiques de la part des appelants ne peuvent pas davantage être retenues à leur charge. Une infraction à l’art. 219 CP n’est donc, pour ces faits, pas réalisée.

 

4.4              Enfin, il reste à la Cour de céans à examiner si les disputes auxquelles les appelants ont exposé B.H.________ entre janvier et mai 2012 fondent une condamnation sur la base de l’art. 219 CP ou si, comme le soutiennent A.H.________ et N.________, leur fréquence et leur intensité ne s’avéraient pas suffisantes pour mettre en danger le développement physique ou psychique de leur fille.

 

4.4.1              Les appelants ne contestent pas avoir alors eu, en leur qualité de parents, un devoir d’assistance et d’éducation envers B.H.________ et avoir dû assumer une position de garant à son égard.

 

4.4.2              Concernant les disputes auxquelles les appelants ont confronté leur fille, le tribunal de première instance a retenu à bon droit qu’elles étaient constitutives d’un manquement au devoir d’assistance et d’éducation. En effet, il est établi que A.H.________ et N.________ ont eu de fréquentes altercations entre les mois de janvier et mai 2012, tandis qu’ils vivaient avec leur fille. Les tensions entre les parents sont apparues dès l’arrivée de B.H.________ au domicile du couple, puisque l’infirmière de la petite enfance, Mme W.________, a fait part à l’OTG de ses inquiétudes y relatives dès le mois de février 2012 (cf. lettre du Tuteur général du 9 juillet 2012, sous P. 13, p. 2). Les disputes étaient très fréquentes, de l’aveu même de l’appelante, même si elles ne survenaient pas quotidiennement (jgt, p. 9). La violence de ces échanges a atteint une intensité suffisante pour surprendre un professionnel comme T.________, qui a confirmé que les appelants recouraient volontiers aux attaques tant verbales que physiques, même à l’extérieur du foyer familial (PV aud. 5, ll. 86-92). La brutalité de ces disputes a ainsi atteint son point paroxystique lorsque A.H.________ a cassé le doigt de son compagnon. Pour le reste, loin de constituer de banales querelles parentales, ces échanges ont également conduit l’appelante à déposer une plainte pénale contre N.________ ou à appeler T.________ afin d’obtenir une intervention urgente de sa part.

 

              La haute fréquence et la violence des disputes entre les appelants étant établies, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant N.________, l’exposition de B.H.________ à ces altercations n’est au demeurant pas douteuse. A.H.________ a ainsi relevé que l’exiguïté de l’appartement familial amenait l’enfant à assister à tous les échanges entre les parents (jgt, p. 9). Les appelants ont par ailleurs tous deux admis que leur fille se trouvait souvent au centre des disputes et en était d’ailleurs la cause. C’est donc durant plusieurs mois et à d’innombrables reprises que B.H.________ a été témoin de scènes de violence, de cris, de vociférations et de coups échangés par ses parents. Elle est elle-même devenue progressivement un enjeu dans les différends entre les appelants. Aucun des parents n’a su préserver son enfant de l’intense conflit qui occupait le quotidien de la famille ni épargner à celle-ci des scènes hautement nuisibles à son développement psychique.

 

              Ainsi, les appelants ont, par leur comportement, clairement manqué à leur devoir d’assistance et d’éducation.

 

4.4.2              Les disputes du couple parental et le climat de conflit perpétuel qui a régné dans le foyer durant plusieurs mois ont de toute évidence mis en danger le développement de B.H.________. En effet, lorsque cette dernière a été placée en urgence le 14 mai 2012, sa mère d’accueil a immédiatement relevé des indices de troubles ou de souffrances. L’enfant pleurait beaucoup, refusait de s’alimenter, s’est placée en position fœtale dans son lit lorsqu’elle a été couchée. En outre, elle ne se tenait pas assise, se cambrait lors du change et fuyait le contact oculaire en bougeant la tête dans tous les sens. Elle s’est par la suite ouverte à la relation, mais des séances de physiothérapie ont néanmoins été nécessaires pour stimuler son apprentissage (cf. P. 24, p. 17).

 

              Ces indices de perturbations dans le comportement et de troubles dans le développement ne sauraient être attribués au seul placement de l’enfant dans une famille d’accueil, ainsi que le soutient l’appelante. En effet, ces signes n’ont pas été décrits comme insignifiants ou banals dans un cas d’accueil, mais au contraire rapportés de manière détaillée par la pédopsychiatre du CHUV, comme les conséquences de l’environnement délétère duquel sortait B.H.________. En outre, selon l’expérience de la vie, les innombrables cris, disputes, coups et autres tensions qui rythmaient le quotidien de l’enfant sont objectivement de nature à perturber le développement d’un bébé qui a besoin de calme, de douceur et d’attention. Le fait que l’infirmière de la petite enfance n’ait pas signalé un état préoccupant chez B.H.________ ne saurait infirmer l’existence de troubles dans son comportement ou son développement, ainsi que le prétend A.H.________. Cette dernière a d’ailleurs elle-même admis que sa fille était souvent en pleurs et énervée, et que N.________ n’en tenait pas compte lors des crises de violence (lettre du Tuteur général du 9 juillet 2012, sous P. 13, p. 2 in fine).

 

              Afin de contester la réalisation d’une infraction à l’art. 219 CP, l’appelante s’appuie enfin sur un arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (arrêt 502 2015 20 du 9 novembre 2015), ayant confirmé le classement d’une procédure pénale ouverte en la matière. Dans cette affaire, le tribunal a considéré que le conflit qui divisait les parents dans le cadre de leur séparation – et qui avait donné lieu à quelques fortes altercations entre ceux-ci ainsi qu’à des souffrances psychologiques chez les enfants – ne constituait pas un élément propre à soupçonner une violation du devoir d’assistance ou d’éducation et s’avérait fréquent lors de ruptures houleuses. Toutefois, ainsi que souligné précédemment, A.H.________ et N.________ ne se sont pas seulement disputés occasionnellement devant leur fille en raison d’une séparation pénible, mais ont bien plutôt fait de B.H.________ l’objet récurrent de leurs altercations, tout en imposant à cette enfant un environnement constamment empreint de violence et de brutalité n’ayant rien d’habituel, même en cas de conflits conjugaux ou de ruptures difficiles. La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a d’ailleurs déjà, par le passé, admis qu’un conflit parental massif – à l’occasion duquel les enfants étaient régulièrement exposés à des disputes, vociférations et intimidations – pouvait constituer une violation du devoir d’assistance et d’éducation de nature à mettre en danger le développement d’un mineur (CAPE 13 novembre 2013/228 consid. 3.2.3).

 

              Les manquements répétés des appelants à leur devoir d’assistance et d’éducation, soit l’exposition de leur fille à de continuelles et violentes disputes, ont donc clairement mis en danger l’enfant B.H.________, en risquant vraisemblablement de causer à celle-ci de durables séquelles d'ordre psychique.

 

4.4.3              Enfin, c’est à juste titre que le tribunal de première instance a retenu que les appelants avaient agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel. Le climat dangereux pour le développement de leur fille, résultant de leur intense conflit, ne pouvait en effet leur échapper après les interventions des services de l’OTG, A.H.________ ayant d’ailleurs finalement elle-même fait appel à T.________ car elle craignait pour l’intégrité physique et psychique de sa fille.

 

              Il découle de ce qui précède que les appelants se sont bien rendus coupables d’infraction à l’art. 219 CP. Les appels de A.H.________ et N.________ doivent en conséquence être rejetés sur ce point.

 

5.              Les appelants ne contestent ni le genre, ni la quotité de la peine. Il y a cependant lieu de statuer d'office sur ces points, dès lors que A.H.________ et N.________ ont conclu principalement à leur acquittement.

 

5.1              Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

 

              La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).

 

              Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

 

5.2              Les appelants se sont rendus coupables de violation du devoir d'assistance ou d'éducation. Leur culpabilité est importante. A charge, la Cour de céans retiendra que A.H.________ et N.________ ont exposé leur fille à des disputes d’une violence remarquable, sans jamais se soucier des dommages que pouvaient causer de tels échanges à une enfant en bas âge. Ces comportements s’avèrent d’autant plus inacceptables que les appelants venaient tout juste de récupérer la garde de B.H.________ et auraient dû vouer un soin particulier au développement ce celle-ci dans un environnement calme et sécurisant. Pourtant, incapables de contrôler leurs accès de violence, les appelants ont immédiatement plongé B.H.________ dans un climat traumatisant. Enfin, loin d’avoir mis à profit l’aide qui leur était offerte par l’OTG afin d’améliorer leur situation, les appelants ont relégué l’intérêt de leur enfant derrière leurs propres débordements, tout en adoptant une attitude délibérément agressive à l’égard des intervenants sociaux. La gravité de ces faits n’apparaît de toute évidence pas encore clairement aux appelants, qui minimisent encore aujourd’hui la violence de leurs altercations et les conséquences qu’ont pu avoir celles-ci sur B.H.________. En définitive, même si certains comportements considérés comme délictueux par le tribunal de première instance doivent être écartés (cf. supra, §§ 4.2 et 4.3), la culpabilité de A.H.________ et N.________ reste considérable.

 

              A décharge, la Cour de céans retiendra que les appelants tentent désormais d’entretenir une relation régulière avec leur fille, en observant les consignes qui leurs sont imposées par les structures d’accueil. Tous les deux ont par ailleurs eu une existence marquée par des difficultés notables et qui se trouve aujourd’hui affectée par l’absence de B.H.________. Enfin, il convient de relever que les faits qui leur sont reprochés sont anciens, remontant au début de l’année 2012.

 

              Au regard de l’ensemble de ces éléments, la peine pécuniaire de 20 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, est adéquate. L'octroi du sursis et le délai d’épreuve de deux ans doivent également être confirmés.

 

6.              En définitive, les appels formés par A.H.________ et N.________ doivent être rejetés et le jugement rendu le 6 avril 2016 par le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois confirmé.

 

              Sur la base de la liste des opérations produite par Me Joëlle Druey, défenseur d’office de A.H.________ (P. 94), et dont il n’y a pas lieu de s’écarter, une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 1'536 fr., TVA et débours inclus, lui sera allouée. Elle sera mise à la charge de l’appelante, qui succombe.

 

              Sur la base de la liste des opérations produite par Me Amandine Torrent, défenseur d’office de N.________ (P. 93), et dont il n’y a pas lieu de s’écarter, une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 1'715 fr. 05, TVA et débours inclus, lui sera allouée. Elle sera mise à la charge de l’appelant, qui succombe.

 

              Vu l’issue de la cause, l’émolument du jugement, par 2'820 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), sera mis à la charge des appelants, chacun devant en assumer la moitié.

 

              Les frais d’appel comprennent en outre l’indemnité en faveur du conseil d'office de B.H.________ pour la procédure d'appel. Celle-ci sera arrêtée à 1'296 fr., TVA et débours inclus, ce qui correspond à six heures d’activité auxquelles il convient d’appliquer le tarif horaire de 180 fr., à quoi il faut ajouter une vacation à 120 fr., selon la liste des opérations communiquée oralement à l’audience du 15 septembre 2016 par Me Trimor Mehmetaj pour le compte de Me Nicolas Rouiller. Cette indemnité sera mise à la charge des appelants, chacun devant en assumer la moitié.

 

              A.H.________ et N.________ ne seront tenus de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de leur défenseur d'office et en faveur du conseil d’office Nicolas Rouiller que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).

 

 

 

Par ces motifs,

la Cour d’appel pénale,

statuant en application des art. 34, 42, 44, 47, 50, 219 CP et 398 ss CPP,

prononce :

 

              I.              Les appels sont rejetés.

 

              II.              Le jugement rendu le 6 avril 2016 par le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est confirmé selon le dispositif suivant :

 

                            "I.              libère N.________ et A.H.________ du chef de prévention de lésions corporelles simples qualifiées ;

II.              constate que N.________ et A.H.________ se sont rendus coupables de violation du devoir d’assistance et d’éducation ;

                            III.              condamne A.H.________ et N.________ à la peine de 20 (vingt) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente) ;

                            IV.              suspend l’exécution de la peine et impartit aux condamnés un délai d’épreuve de 2 (deux) ans ;

                            V.              dit que N.________ et A.H.________ doivent solidairement à B.H.________ un montant de 500 fr. (cinq cents) à titre de réparation du tort moral ;

                            VI.              alloue à Me Amandine Torrent, défenseur d’office de N.________, une indemnité de 6'134 fr. 40, TVA, débours et vacation compris ;

                            VII.              alloue à Me Joëlle Druey, défenseur d’office de A.H.________, une indemnité de 3’491 francs, TVA, débours et vacations compris, étant précisé qu’un montant de 443 fr. 90 a été versé en cours d’enquête ;

                            VIII.              constate que l’indemnité d’office du précédent défenseur d’office de A.H.________, Me Aude Bichovsky, a été arrêtée et versée en cours d’enquête pour un montant de 2'998 francs ;

                            IX.              alloue à Me Nicolas Rouiller, conseil d’office de B.H.________, une indemnité de 2'481 fr. 80, TVA, débours et vacations compris ;

                            X.              met les frais de la cause par 9'393 fr. 40 à la charge de A.H.________, y compris les indemnités dues aux défenseurs d’office Me Aude Bichovsky et Me Joëlle Druey, ainsi que la moitié de l’indemnité due au défenseur d’office Me Nicolas Rouiller et par 9'037 fr. 80 à la charge de N.________, y compris l’indemnité due au défenseur d’office Me Amandine Torrent, ainsi que la moitié de l’indemnité due au défenseur d’office Me Nicolas Rouiller ;

                            XI.              dit que le remboursement à l’Etat des indemnités fixées sous chiffre VI à IX ci-dessus, ne pourront être exigées de N.________ et A.H.________ que si et dans la mesure où leur situation financière s’améliore."

 

              III.              Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'536 fr., TVA et débours inclus, est allouée à Me Joëlle Druey.

 

              IV.              Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'715 fr. 05, TVA et débours inclus, est allouée à Me Amandine Torrent.

 

              V.              Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'296 fr., TVA et débours inclus, est allouée à Me Nicolas Rouiller.

 

              VI.              Les frais d’appel, par 7'367 fr. 05, sont répartis comme il suit :

-                    la moitié des frais communs, ainsi que l’entier de l’indemnité due au défenseur d’office Joëlle Druey et la moitié de l’indemnité due au conseil d’office Nicolas Rouiller sont mis à la charge de A.H.________, ce qui représente un total de 3'594 francs ;

-                    la moitié des frais communs, ainsi que l’entier de l’indemnité due au défenseur d’office Amandine Torrent et la moitié de l’indemnité due au conseil d’office Nicolas Rouiller sont mis à la charge de N.________, ce qui représente un total de 3'773 fr. 05.

 

              VII.              N.________ et A.H.________ ne seront tenus de rembourser à l’Etat les montants mis à leur charge en faveur des défenseurs d’office selon les chiffres III à V ci-dessus que lorsque leur situation financière le permettra.

 

              VIII.              Le jugement motivé est exécutoire.

 

Le président :               Le greffier :

 

 

 

 

Du 15 septembre 2016

 

              Le dispositif du jugement qui précède est communiqué aux appelants et aux autres intéressés.

 

              Le greffier :

 

 

Du

 

              Le jugement qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

-              Me Joëlle Druey, avocate (pour A.H.________),

-              Me Amandine Torrent, avocate (pour N.________),

-              Me Nicolas Rouiller, avocat (pour B.H.________),

-              Office du tuteur général, à Lausanne,

-              Ministère public central,

 

              et communiqué à :

-              M. le Président du Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois,

-              M. le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois,

-              Service de la population, secteur étrangers,

 

              par l'envoi de photocopies.

 

              Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

 

              En vertu de l’art. 135 al. 3 let. b CPP, le présent jugement peut, en tant qu'il concerne l’indemnité d’office, faire l’objet d’un recours au sens des art. 393 ss CPP devant le Tribunal pénal fédéral (art. 37 al. 1 et 39 al. 1 LOAP [Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l’organisation des autorités fédérales; RS 173.71]. Ce recours doit être déposé devant le Tribunal pénal fédéral dans un délai de dix jours dès la notification de l’arrêt attaqué (art. 396 al. 1 CPP).

 

              Le greffier :