TRIBUNAL CANTONAL

 

 

 

 

618

 

PE08.028646-TDE


 

 


CHAMBRE DES RECOURS PENALE

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Arrêt du 15 septembre 2016

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Composition :               M.              Maillard, président

                            MM.              Meylan et Perrot, juges

Greffier              :              M.              Addor

 

 

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Art. 229, 393 al. 1 let. b CPP

 

              Statuant sur le recours interjeté le 30 août 2016 par N.________ contre l’ordonnance de mise en détention pour des motifs de sûreté rendue le 25 août 2016 par le Président du Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne dans la cause n° PE08.028646-TDE, la Chambre des recours pénale considère :

             

              En fait :

 

 

A.              a) Par acte du 9 janvier 2014, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois a engagé l’accusation devant le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois notamment contre N.________ pour complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, et contre D.________ pour complicité de tentative d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et induction de la justice en erreur. Il ressort de l’acte d’accusation que le 25 décembre 2008, N.________ a retiré, au moyen de sa carte bancaire BCV, une somme  de 400 fr. à un distributeur à billets BCV, laissant volontairement sur son compte une solde proche de zéro. Par la suite, entre le 27 et le 29 décembre 2008, un tiers, à qui N.________ avait remis sa carte et son code, avait procédé à trente-cinq retraits frauduleux pour un montant total de 101'800 fr. et EUR 11'800.

 

              b) Par prononcé du 17 octobre 2014, le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a décliné sa compétence et a transmis la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne.

 

              c) Par jugement du 16 décembre 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné par défaut N.________, pour complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, à une peine privative de liberté de 11 mois, peine partiellement complémentaire à celles prononcées les 24 mars 2009 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, le 6 avril 2010 par le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois, le 9 mars 2011 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne et le 22 mai 2012 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne.

 

B.              a) Le 23 août 2016, N.________, qui, quelques jours auparavant avait été appréhendé et placé en détention en vue de l’exécution de sa peine, a déposé une demande de nouveau jugement ainsi qu’une demande de mise en liberté provisoire (P. 343).

 

              b) Lors de l’audience en constatation d’identité du 25 août 2016, le Président du Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a ordonné, en raison des risques de fuite et de récidive, la détention pour des motifs de sûreté de N.________ (I) et a rejeté sa demande de mise en liberté (II).

 

C.              Par acte du 30 août 2016, confirmé le 8 septembre 2016, N.________ a recouru contre cette ordonnance en concluant à sa réforme en ce sens qu’il soit remis en liberté provisoire.

 

             

              En droit :

 

 

1.              Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, « sauf contre ceux de la direction de la procédure » (en allemand : « ausgenommen sind verfahrensleitende Entscheide »; en italien : « sono eccettuate le disposizioni ordinatorie »). Cette disposition doit être lue en corrélation avec l’art. 65 al. 1 CPP, aux termes duquel « les ordonnances rendues par les tribunaux » (en allemand : « verfahrensleitende Anordnungen der Gerichte »; en italien : « le disposizioni ordinatorie del giudice ») ne peuvent être attaquées qu’avec la décision finale. Les décisions contre lesquelles un recours immédiat est exclu selon les art. 65 al. 1 et 393 al. 1 let. b in fine CPP concernent, malgré la formulation trompeuse de la version française, non pas celles prises par la direction de la procédure, mais celles relatives à la marche de la procédure (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3e éd., Genève/Zurich/Bâle 2011, n. 1969). Il s'agit en particulier de toutes les décisions qu'exigent l'avancement et le déroulement de la procédure avant ou pendant les débats (ATF 138 IV 193 consid. 4.3.1). Selon la jurisprudence, ces décisions peuvent toutefois faire l’objet d’un recours selon le CPP lorsqu’elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable (ATF 140 IV 202 consid. 2.1 in fine, SJ 2015 I 73 ; CREP 12 août 2015/535 consid. 1). Constitue un préjudice irréparable un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (TF 6B_805/2014 du 20 octobre 2014 ; ATF 137 IV 172 consid. 2.1 ; CREP 9 juin 2015/383 consid. 1.1).

 

En l’espèce, l’ordonnance de mise en détention pour des motifs de sûreté a été prise par le Président du Tribunal de police en sa qualité de direction de la procédure en application de l’art. 369 al. 3 CPP. Elle a indubitablement des effets qui ne sont pas susceptibles d’être réparés par la suite. Un recours immédiat doit donc être ouvert contre une telle décision (CREP 24 septembre 2015/622). Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d’entrer en matière sur le recours.

 

2.              Selon l’art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement lieu de craindre qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (let. a), qu’il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve (let. b) ou qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (let. c).

 

              En l’espèce, le recourant ne conteste pas l’existence de soupçons sérieux de culpabilité. Ceux-ci découlent notamment de l’acte d’accusation du 9 janvier 2014 (cf. art. 324 al. 1 CPP). On se bornera ainsi à rappeler que le recourant est mis en cause pour avoir permis, par la remise à un tiers de sa carte BCV avec son code, des retraits frauduleux pour un peu plus de 100'000 fr. au préjudice de plusieurs agences de la Banque [...].

 

 

3.             

3.1              Le recourant conteste l’existence d’un risque de fuite, faisant valoir que sa fille, née en 2010, vit avec sa  mère en Suisse, tous comme ses parents et son frère.

 

3.2              Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 138 IV 81, c. 3.1 non publié). La gravité de l’infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l’importance de la peine dont le prévenu est menacé (ibidem).

 

3.2              En l’espèce, l’existence de liens personnels et familiaux en Suisse n’a pas empêché le recourant de faire défaut à l’audience du 16 décembre 2015. Cette circonstance ne permet dès lors pas d’écarter le risque de fuite. L’intéressé a en outre déclaré, lors de l’audience du 25 août 2016 devant le tribunal de police, qu’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse avait été prononcée contre lui et qu’après le jugement du 16 décembre 2015, il avait vécu en France, auprès de sa future belle-famille. Bien réel, le risque de fuite s’oppose à l’élargissement du recourant, malgré la présence de membres de sa famille en Suisse.

 

4.             

4.1              Le Tribunal de police a considéré que le risque de récidive était également réalisé.

 

4.2              Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre. Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive : le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 135 I 71 consid. 2.3), à savoir en présence de crimes et délits graves et d'un danger sérieux et concret pour les victimes potentielles (ATF 137 IV 13 consid. 4.5). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de la vraisemblance de récidive lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e). La simple possibilité, hypothétique, de commission de nouvelles infractions ou la vraisemblance que soient commises des infractions mineures, ne suffit pas (ATF 135 I 71 consid. 2.3). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 et les références citées).

 

4.3              En l’espèce, le recourant, né en 1981, a été condamné à sept reprises entre le 26 octobre 2006 et le 27 mars 2014, pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées et lésions corporelles graves, infraction à la Loi fédérale sur les armes, et diverses infractions à la législation routière, à des peines pécuniaires ainsi qu’à quatre peines privatives de liberté, de 20 jours (2006), 14 mois (2009), 30 mois (2011) et 6 mois (2012). A l’époque des faits qui lui sont reprochés (décembre 2008), il avait déjà été condamné à deux reprises, le 26 octobre 2006 à 20 jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans et le 3 janvier 2008 à une peine pécuniaire de 20 jours-amende également avec sursis pendant deux ans.

 

              Au vu de ces antécédents, c’est à bon droit que le Président du Tribunal de police a ordonné, en raison du risque de récidive, la détention pour des motifs de sûreté du recourant.

 

5.             

5.1              Le recourant est détenu depuis le 17 août 2016. Compte tenu de ses antécédents et de la nature des faits qui lui sont reprochés, la détention provisoire demeure proportionnée au regard de la peine qui est susceptible d’être prononcée contre lui en cas de condamnation (art. 212 al. 3 CPP), étant précisé que l’audience de jugement a été fixée au 18 octobre 2016.

 

5.2              Comme mesure de substitution à la détention, le recourant propose de mettre en gage toutes les parts qu’il détient dans des sociétés inscrites au Registre du commerce, ou de déposer un montant de 10'000 fr. à titre de sûretés (art. 237 al. 1 let. a CPP).

 

              Telles qu’elles sont formulées, les mesures de substitution proposées apparaissent trop vagues, si bien qu’il n’est pas possible de se convaincre que la perte du montant de 10'000 fr., dont on ignore au demeurant la provenance, agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite (TF 1B_42/2015 du 16 février 2015 consid. 2.3 ; TF 1B_274/2014 du 26 août 2014, consid. 3.3). Un tel montant, quel qu’en soit l’origine, est de toute façon insuffisant au regard de l’importance du risque de fuite auquel il y a lieu de parer.

 

6.              Il résulte de ce qui précède que le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté, sans autre échanges d’écritures (art. 390 al. 2 CPP), et l’ordonnance du 25 août 2016 confirmée.

 

              Les frais de la procédure de recours, constitués en l'espèce du seul émolument d'arrêt (art. 422 al. 1 CPP), par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).

 

 

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

 

              I.              Le recours est rejeté.

              II.              L’ordonnance du 25 août 2016 est confirmée.

              III.              Les frais d’arrêt, par 770 (sept cent septante francs) sont mis à la charge de N.________.

              IV.              L’arrêt est exécutoire.

 

Le président :               Le greffier :

 

 

 

 

              Du

 

              Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

-              Me Bernard Delaloye, avocat (pour N.________),

-              Ministère public central,

 

              et communiqué à :

-              M. le Président du Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne,

-              Mme la Procureure de l’arrondissement de l’Est vaudois,

 

              par l’envoi de photocopies.

 

              Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

 

              Le greffier :